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Guinée équatoriale

Quatre Questions adressées à la Convergence pour la Démocratie sociale (CDPS)

1) La CPDS est le seul grand parti d’opposition en Guinée équatoriale. Même si vous avez bénéficié d’une reconnaissance juridique en février 1993, vous êtes toujours confrontée à d’énormes difficultés. Pouvez-vous décrire les obstacles de votre travail politique?

Wenceslao MANSOGO ALO, Secrétaire aux relations internationales: Les obstacles que rencontre notre travail politique sont nombreux. Le pays est dirigé depuis 1979 par une personne qui a pris le pouvoir par un putsch et considère que le pays tout entier et les revenus de ses ressources naturelles (pétrole, gaz, bois, notamment) lui appartiennent et n’a  aucune intention de céder le pouvoir. Il a déclaré ouvrir une transition démocratique en 1990, laquelle évolue à reculons. C’était juste pour que la communauté internationale lui fiche la paix.

Parmi nos principaux obstacles:

  1. Le manque de moyens financiers pour développer une activité de base. Les maigres cotisations de nos exécutifs sont absolument insuffisantes. Le Gouvernement ne nous finance, lorsqu’il veut, que lors des élections.
  2. L’hermétisme du régime du Président Obiang: Il n’y a aucun dialogue politique; pas de concertation ni de négociations. En plus, le régime crée des pseudo partis d’opposition dont le rôle est de s’opposer à CPDS.
  3. Pas de prosélytisme politique en dehors de la période électorale. Le contact avec nos bases est épisodique. Nous n’avons d’accès aux médias d’Etat et le régime nous empêche de posséder un émetteur de radio propre.
  4. Elections toujours frauduleuses. Les élections sont toujours un supplice pour nous. Depuis 1993 il y a eu 15 processus électoraux, les uns plus frauduleux que les autres: Administration électorale totalement dirigée par le régime; campagne sans liberté d’expression ni de mouvement; aucun accès aux médias; absence d’observation internationale crédible; vote public; résultats toujours à 99% en faveur du régime; réaction internationale faible ou absente. Conséquence : nous ne parvenons pas à occuper les espaces politiques institutionnels qui nous permettraient d’exercer une opposition plus visible et effective. Le changement des conditions électorales constitue un des thèmes fondamentaux du dialogue politique que nous proposons.
  5. L’intérêt des pays développés pour les richesses énergétiques de notre pays renforce la dictature et nous affaiblit considérablement. Malgré son image internationale, le Président Obiang sera néanmoins reçu par le Président Obama au mois d’août prochain.
  6. Notre marginalisation sociale. Le régime nous empêche de développer une quelconque activité productive dans les conditions normales. Il nous empêche de travailler. Nous ne pouvons pas exercer dans la Fonction Publique et les entreprises privées exigent « la carte du parti » à l’embauche.
  7. La faible visibilité internationale de notre action. C’est une conséquence des points antérieurs. Peu de gens connaissent le travail difficile de CPDS face à la dictature qui gouverne durement la Guinée Equatoriale.
  8. Nos soucis personnels. Lorsque nous-mêmes ou un parent proche tombe malade, nous n’avons pas toujours les moyens nécessaires et suffisants pour nous soigner. La grande majorité des dirigeants de CPDS n’ont pas eu un bilan de santé depuis 20 ans.

 

2) Comment l’aide internationale peut-elle contribuer à votre travail?

W. M. ALO: L’aide internationale peut contribuer à nous aider par différentes actions :

Le financement, qui nous permet d’assurer une activité intérieure plus importante en rencontrant plus fréquemment nos bases ; de satisfaire nos cotisations aux organisations internationales auxquelles nous faisons partie ; de financer nos déplacements internationaux.

Exercer de la pression sur le régime du Président Obiang pour ouvrir un nouveau processus de dialogue politique avec toutes les forces vives de la nation. Voir question 3.

Nous aider à avoir une plus grande visibilité internationale en nous organisant des rencontres avec des personnalités et institutions internationales, en nous invitant et en nous permettant d’intervenir dans des réunions et conférences internationales, et toute autre initiative pouvant contribuer à cette fin.

Offrir une observation internationale lors des élections, pour diminuer la fraude

 

3) Vous avez récemment tenu le 5ème congrès du parti. Quels résultats ont été obtenus afin de favoriser le dialogue politique en Guinée équatoriale?

W. M. ALO : A l’issue de notre Vème Congrès, nous avons sollicité et obtenu une audience avec le Président Obiang. Nous avons demandé la mise en marche sans tarder d’un nouveau cadre de Dialogue National incluant toutes les forces vives de la nation et ouvert à la Communauté Internationale. Il en a accepté le principe. Nous élaborons actuellement le draft du modèle et des thèmes à aborder lors de ces assises, que nous devons lui présenter les prochains jours.

Nous avons également posé le problème de l’accès aux médias d’Etat et la création de médias privés. Là, également, il s’est montré ouvert.

Dans ce contexte, nous avons le projet de voyager en Espagne au cours de ce mois de mars, où réside le plus grand nombre d’exilés équato-guinéens, pour établir un dialogue avec eux et étudier les voies d’une collaboration politique.

Nous attendons donc la concrétisation de toutes ces promesses et projets, ce qui, avec le recul que nous avons quant aux relations avec le Président Obiang, est loin d’être garanti.

 

4) Où voyez-vous la Guinée équatoriale dans les dix prochaines années et quels sont les plus grands défis?

 W. M. ALO : Les dix prochaines années sont floues pour la Guinée Equatoriale.

  1. Le Président Obiang a modifié récemment la constitution dans le but de se garantir encore deux mandats présidentiels de 7 ans. Si cela s’avérait ainsi, on peut craindre la continuité de la stagnation et la démagogie  actuelles, ainsi que des promesses non remplies, avec lui à la tête de l’Etat.
  2. Il peut décéder de manière naturelle. Dans ce cas, il est difficile de déterminer à l’avance comment évoluerait le pouvoir, probablement vers une situation chaotique. Il y a des luttes intestines pour le pouvoir (dans son entourage familial immédiat et aussi dans son entourage politique). On n’exclut pas, dans cette hypothèse, des luttes fratricides violentes.
  3. Il peut être écarté du pouvoir. Dans ce cas, c’est très probablement une nouvelle dictature qui s’installerait, à coup sûr, au pouvoir.

Il est très probable, à l’heure qu’il est, que des manœuvres et calculs soient en cours à bas bruit, pour son éventuelle succession.

Le principal défi est de parvenir à mettre en place un climat national apaisé au plan politique. Il faut réduire (prévenir) le risque de putsch si le Président Obiang venait à disparaitre. Pour cela il est urgent de le convaincre de la nécessité d’instaurer sans tarder un Dialogue National constructif et envisager une véritable transition démocratique. Dans ce contexte, le rôle de la Communauté Internationale peut être déterminant.

Le Dialogue National, qui servirait à négocier des points d’intérêt politique général, impose des conditions préalables :

  • Une Loi d’Amnistie Générale qui permettrait le retour de tous les exilés et la libération des prisonniers politiques, le cas échéant.
  • La légalisation des Partis Politiques et organisations indépendantes de la Société Civile
  • La légalisation d’émetteurs Radios indépendants (CPDS vient de redemander une autorisation pour la sienne)

Le Dialogue National devrait aboutir à la mise en place d’un Gouvernement d’Unité Nationale qui serait chargé d’organiser des élections libres et transparentes, ainsi que la formation d’une Assemblée Constituante.