Pour nous en tant que progressistes, sociaux-démocrates et socialistes, la liberté, la justice et la solidarité représentent des valeurs et des principes fondamentaux. C’est pourquoi notre idée de la démocratie n’est pas neutre, c’est celle de la démocratie sociale.
- « Social » est une condition pour chaque démocratie juste et durable. Notre idée de la démocratie sociale est la suivante : les droits de liberté et les droits de participation politiques individuels qu’implique la démocratie ne peuvent être véritablement appliqués que si les risques sociaux qui sont répartis de manière inégale dans les sociétés capitalistes sont surmontés non seulement sur le point de vue individuel, mais s’ils sont couverts par la communauté.
- La démocratie ne fonctionne que si la grande majorité de la population moins privilégiée sur le plan social reconnait la démocratie. Cela implique que la démocratie ne reste pas limitée à la sphère politique au sens strict. La démocratie ne doit pas s’arrêter aux portes des usines, des écoles, des universités ou des casernes. La démocratie doit pouvoir être vécue et pratiquée au quotidien et dans les différents domaines de la vie des gens. Telle est la démocratie sociale participative.
- De fortes inégalités, comme celles que nous observons actuellement dans de nombreux pays du monde, sapent les processus démocratiques. Une démocratie opérationnelle implique un minimum d’homogénéité sociale. C’est exactement pour cela que se bat la politique progressiste : la redistribution, l’égalité des chances et la promotion sociale dans le but de supprimer l’inégalité sociale.
- Pas une démocratie conforme au marché : la démocratie sociale doit continuer de surveiller la position de la démocratie par rapport aux marchés. La question est de savoir Comment l’économie et les marchés peuvent-ils être contrôlés démocratiquement et placés au service de la communauté, même dans les conditions de globalisation ? Notre devoir est d’utiliser les normes égalitaires de la démocratie afin de contrôler les marchés. Voici ce qui définit la base de la démocratie sociale.
- La démocratie a besoin de démocrates : la démocratie doit également être apprise. C’est la raison pour laquelle la démocratie sociale doit toujours veiller à ce qu’il soit permis à tous les citoyens de participer et que des institutions opérationnelles et transparentes soient créées qui permettent cette participation. C’est la seule manière de gagner la bataille contre les populistes et leurs réponses simples aux défis d’aujourd’hui et contre les forces néoconservatrices qui recourent à des procédures politiques, parlementaires et/ou judiciaires, désignées par certains comme un coup d’état en douceur.
La démocratie est sous pression partout dans le monde
Dans les années qui ont suivi la fin des dictatures militaires en Amérique latine ou de la guerre froide en Europe, la démocratie est certes devenue plus attractive et une vague de démocratisation s’est déclenchée dans de très nombreux pays. Mais dans la majeure partie des pays, cette démocratisation n’a pas entraîné un développement continu des institutions démocratiques et de la culture. En vérité, le développement démocratique semble être bloqué dans de nombreux pays, la limitation des droits de liberté des citoyens ou le manque de contrôle du pouvoir exécutif sont devenus endémiques. La légitimation des jeunes démocraties s’érode car elles n’ont pas su répondre aux espoirs fondés sur la participation, la justice sociale et la sécurité. Dans toujours plus de pays, la démocratie est mise sous pression sur plusieurs fronts :
- de nouvelles lignes directrices telles que la « démocratie souveraine », dans laquelle la concentration du pouvoir et la limitation des droits de liberté sont justifiés par la lutte contre le terrorisme, par la religion ou un mode de développement économique, gagnent du terrain.
- Le printemps arabe, qui n’a pas duré longtemps, s’est soldé par une réaction autoritaire, voire des guerres civiles et des menaces terroristes croissantes. Les révolutions de couleur en Europe de l’est ont majoritairement entraîné de vastes répressions contre la société civile.
- Des mesures technologiques toujours plus importantes permettent de contrôler des informations, d’espionner les flux de données et d’exercer des censures.
- Le contrôle des « checks & balances », c’est-à-dire la relation équilibrée entre la gestion et le contrôle, est bafoué par les extrémités de droite et de gauche dans le paysage politique de certains pays avec l’argument que les leaders politiques de l’état ont un pact direct avec la population qui rend la séparation des pouvoirs superflue.
- La lutte contre la corruption et la non transparence des institutions reste encore et toujours un grand défi dans les démocraties en pleine expansion.
Nos défis
De plus en plus de décisions politiques ne sont plus prises par des représentants élus, mais forcées par les marchés voire imposées par les états par l’intermédiaire d’institutions supranationales qui ne sont pas légitimées. Une réaction à cette situation est la « démocratie conforme au marché », qui n’essaie plus d’évaluer, de traiter et, le cas échéant, de modifier politiquement les résultats des processus économiques dictés par le marché, mais adapte la collectivité aux besoins du marché.
- En tant que progressistes, sociaux-démocrates et socialistes, nous œuvrons pour intégrer à nouveau l’économie globale dans les sociétés. Il existe toutefois des entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse sensiblement le PIB de nombreux états et dont la taille à elle seule permet de bafouer la volonté de construire une démocratie. Ces entreprises sont des acteurs politiques, dont l’accumulation de capital est synonyme d’une accumulation de pouvoir politique – les notations avant la gouvernance.
- Le néolibéralisme a remis en question de nombreux acquis de la démocratie sociale et de l’état de providence moderne. Les règles du jeu formelles de la démocratie ont certes été maintenues, le pouvoir de décision cependant a souvent été « déplacé » au profit des élites économiques. Dans cette « reféodalisation » de la politique, l’économie et ses lobbyistes ont un accès direct à la politique, et une grande partie de la politique reconnait parallèlement la primauté de l’économie.
- Les structures de gouvernance globale ne pourront pas compenser la perte des capacités nationales à diriger. Ce phénomène s’accompagne d’une renaissance de la politique de souveraineté classique, qui est d’autant plus éclatante que l’Union européenne se retrouve dans une crise profonde en tant que laboratoire de gouvernance transnationale. Les institutions internationales dans leur état actuel ploient sous le poids de leurs tâches et il n’y a que peu de chances qu’elles deviennent ainsi l’épine dorsale d’un ordre mondial stable.
En tant que progressistes, sociaux-démocrates et socialistes, nous nous sommes efforcés au cours des dernières années de réhabiliter l’état et de le remettre sur les rails face à la surpuissance des marchés. Nous allons devoir intensifier nos efforts pour développer de nouvelles institutions et formes de participation. En effet, une large participation s’impose et des décisions rapides doivent être prises. C’est la quadrature du cercle et c’est ici que des innovations sont urgentes. On trouve actuellement toute une série d’innovations dans les pays émergents et les pays en développement : des audits publics, des budgets participatifs, etc. Pour une démocratie sociale durable, des institutions démocratiques doivent être créées là où la démocratie est mise en œuvre concrètement. Elles doivent intervenir dans les domaines de la vie courante et les forces progressistes, sociales-démocrates et socialistes doivent y être présentes et agir sur les milieux de vie.
L’histoire montre que ce qui importe vraiment, ce sont les partis progressistes de gauche et des syndicats combatifs ainsi que la société civile engagée. Ceux-ci sont nettement plus difficiles à mettre en place que des mouvements spontanés et bien souvent éphémères. Un véritable changement au niveau des majorités politiques dans les parlements ne pourra être instauré que s’il est précédé par une politisation des sociétés et si celles-ci peuvent participer à la prise de décision. Cependant, le (contre) pouvoir démocratique ne peut se développer durablement que s’il peut s’appuyer sur des organisations comme les partis, les syndicats et la société civile pouvant agir dans les institutions centrales de la société.
Grâce aux mouvements sociaux et aux manifestations dans le monde entier déclenchés en réponse à l’inégalité croissante, non seulement la question démocratique mais également la question sociale ont été replacées au cœur des débats sociaux. Le degré d’inégalité est aujourd’hui un facteur décisif pour la prospérité économique, la mobilité sociale, la diminution de la pauvreté, la cohésion de la société et la participation politique. La lutte contre l’inégalité est une mission centrale pour les années à venir, car il sera moins décisif pour la constitution future du monde si la globalisation continue d’enfler la prospérité des (sociétés) riches que si nous parvenons à réduire les différences sociales, économiques et environnementales et à renforcer la cohésion sociale des sociétés.
Démocratie et justice sociale pour tous
Au cours des dernières années, la question de l’égalité sociale et de la démocratie s’est également posée à d’autres niveaux : dans les rues et sur les places de ce monde. Les manifestions à Tunis et au Caire, à Madrid, New York, Istanbul expriment toutes, malgré leur différence, un malaise dans leurs sociétés, l’indignation face à l’inégalité sociale et elles ont montré clairement que les autres moyens de s’exprimer sont coupés. Les manifestations concernaient à la fois la question sociale et la critique envers les dysfonctionnements sociaux, un coût de la vie bien trop élevé, l’absence de perspectives en raison du chômage, des emplois précaires et un système d’éducation en piteux état ainsi que la critique envers des styles de gouvernance toujours plus autoritaires, soit sous la forme de régimes de modernisation corrompus ou, en ce qui concerne la zone euro, une gestion de la crise en Europe qui n’est plus sous contrôle majoritairement démocratique. La protestation politique redevient une manifestation de la vie, l’engagement politique devient de plus en plus une question existentielle.
Notre objectif est que l’économie soit à nouveau ancrée démocratiquement dans la société et qu’elle soit contrôlée par cette dernière. Cette réussite permettra de déterminer si nous aurons à nouveau la démocratie sociale.
- En effet, l’inégalité porte préjudice à la prospérité économique, mais présente une relation de cause à effet avec différentes dérives sociales.
- L’inégalité consolide les rapports de chance et de pouvoir au sein de la société, l’inégalité empêche par conséquent la mobilité sociale et intergénérationnelle et rend plus difficile la lutte contre la pauvreté.
- L’inégalité compromet la paix sociale, la stabilité politique et sape durablement la démocratie. Même dans les démocraties supposées être bien établies, la dominance du processus décisionnel politique par des élites financièrement solides augmente ; la souveraineté du peuple se transforme ainsi peu à peu en souveraineté de l’argent.
Nous défendons une politique en faveur de la démocratie et de la justice sociale pour tous.