15 novembre 2019
En mai 2014, l’armée nationale a renversé le gouvernement de Thaïlande, imposé la loi martiale dans tout le pays suite à un coup d’État militaire réussi mené par le général Prayuth Chan-ocha, proscrit toutes les activités politiques et réprimé l’opposition pacifique par la loi martiale de la critique de sa politique.
En dépit de la proclamation initiale selon laquelle des élections auraient probablement lieu en 2015, la junte militaire, attachée à ses pouvoirs, a repoussé les élections à plusieurs reprises jusque début 2019.
Le 6 avril 2017, l’armée a rédigé la constitution, puis limité le pouvoir des partis politiques si des élections devaient avoir lieu et s’est assuré que l’armée garderait le contrôle en lui donnant le pouvoir de nommer tous les 250 membres de la Chambre haute.
Les élections ont été annoncées pour le 24 mars 2019, dans un contexte particulièrement défavorable sous la nouvelle constitution, avec une interdiction continue des activités politiques et la répression de l’opposition par l’intermédiaire de lois incluant l’hostilité à la monarchie constitutionnelle, la loi sur les crimes informatiques et la loi sur la cybersécurité.
Bien que les partis de l’opposition aient gagné plus de sièges, le général Prayuth Chan-ocha, premier ministre sortant, a tenu à rester au pouvoir. Les élections en Thaïlande après huit ans, présentées comme le retour de la démocratie dans le pays, ont été entachées par des allégations de trucage systémique, d’irrégularités de vote, de décisions douteuses prises par la commission électorale mise en place par l’armée, et par le long retard dans l’annonce des décomptes finaux et de la formule de calcul pour la répartition des sièges.
Le mandat de 81 sièges du Parti du nouvel avenir (Future Forward Party, FWP) au Parlement, ainsi que les sièges gagnés par d’autres partis pro-démocratie, font écho de l’appel des citoyens thaïlandais pour un retour de la démocratie dans leur pays.
La situation de la Thaïlande après les élections n’a pas permis un retour à une vraie démocratie, à la protection des droits de l’Homme, à l’État de droit justifié ou à la stabilité, mais a entraîné la répression continue de la démocratie et des violations des droits de l’Homme. Il s’agit ici notamment des cas de menaces et d’agressions physiques sur les militants pro-transparence Sirawith Seritiwat (Ja New) et Ekachai Hongkangwan ; de la disparition des militants Chucheep Chivasut, Siam Theerawut et Kritsana Thapthai ; du cas d’Anurak Jeantawanich (Ford), qui a été accusé selon la loi controversée sur les crimes informatiques d’avoir critiqué la junte militaire à travers ses messages sur les réseaux sociaux le 10 février 2019 ; du cas du leader du Parti du nouvel avenir, Thanathorn Juangroongruangkit, du secrétaire général Piyabutr Saengkanokkul et de la porte-parole du parti Pannika Wanich, qui ont été inculpés dans diverses affaires démontrant le harcèlement et l’intimidation de l’opposition politique.
Une affaire est actuellement en cours contre le président du Parti du nouvel avenir, Thanathorn Juangroongruangkit afin de le suspendre définitivement de son poste de député. De même, une affaire est menée contre le Parti du nouvel avenir pour s’être opposé au gouvernement militaire durant les élections, avec pour objectif de dissoudre le parti de l’opposition.
L’affaire de la Thaïlande souligne le rétrécissement des espaces civiques et politiques, l’intensification de la répression des forces démocratiques et les violations persistantes des droits de l’Homme dans nombre de pays d’Asie, et notamment en Thaïlande, aux Philippines, au Cambodge et au Myanmar.