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Perspectives d’avenir : La pandémie de Corona, une opportunité pour le lancement d’un modèle de développement sur des bases saines

Par Union socialiste des forces populaires (USFP), Maroc, Driss LACHGUAR, Premier Secrétaire de l’USFP – Mai 2020

Durant plus de trois mois, le monde entier s’est trouvé acculé à un mode de vie fait d’isolement et de confinement sanitaire afin de parvenir à contourner la pandémie de Covid-19. La plupart des gouvernements ont de ce fait opté pour l’adoption de l’état d’urgence et pour la fermeté dans l’application des dispositions et des mesures préventives.

Il s’agit d’une expérience sociétale et humaine inédite qui m’a poussé à réfléchir en partant de la réalité telle que nous la vivons tous dans nos foyers. Je présente à travers ce document ma contribution à l’effort général de réflexion en souhaitant qu’elle soit suivie de bien d’autres à même d’enrichir le dialogue au sein de notre parti.

Par cette contribution, je vise à informer l’opinion publique nationale et à travers elle tout le paysage partisan de la vision que je propose.

Cette pandémie a démontré à travers le monde que les risques que nous nous préparions à affronter et pour nous prémunir desquels nous nous armions, ne sont pas les vrais risques ou, pour le moins, ne constituent pas les dangers qui pourraient éradiquer l’humanité.

La plus grande menace pour notre vie vient aujourd’hui d’une espèce microscopique qui ne distingue ni le pauvre du riche, ni le blanc du noir, et ne reconnaît pas non plus les frontières. Si elle nous attaque donc, c’est parce que nous sommes des humains.

Aussi, toute guerre contre ce virus doit-elle englober les efforts collectifs de l’humanité toute entière. Et cela ne peut se faire qu’à travers l’unification de nos rangs au niveau de la recherche scientifique, des moyens logistiques et de la gestion économique et sociale.

Mais ce qu’il nous a été donné de remarquer au niveau mondial durant les premières semaines, s’est caractérisé par une confusion tant au niveau des gouvernements de grandes nations qu’à celui des organisations régionales et même au niveau de l’Organisation mondiale de la santé, de l’Organisation des Nations Unies (que ce soit le Conseil de sécurité ou ses organisations parallèles). Et c’est ce qui prouve que d’une part, nous ne sommes pas encore qualifiés pour gérer ce genre de dangers et d’autres part, nous ne sommes pas encore parvenus à surpasser notre égoïsme individuel ou national, notamment en raison de la montée au cours de cette dernière décennie du chauvinisme et du racisme au sein des sociétés des grandes puissances.

Cette pandémie a des répercussions plus importantes que celles qui découlent des guerres et des crises économiques. Elle nous permet d’interpeller nos organisations mondiales ou continentales qui ont été incapables, à bien des égards, de gérer cette crise.

Les peuples ont créé la Société des nations suite à la Grande Guerre pour éviter les conflits en Europe. Puis l’humanité a fait évoluer ce cadre en créant l’Organisation des Nations Unies après la Seconde Guerre mondiale dans le but de tourner la page de l’impérialisme et de répandre les valeurs des droits de l’Homme et des libertés. Aujourd’hui nous avons grand besoin de développer de nouveau ce cadre au niveau de sa structure, ses prérogatives et ses objectifs. Nous avons besoin d’un nouveau pacte mondial qui va au-delà de la défense des droits politiques, socioéconomiques ou culturels pour s’étendre à la défense de la planète et des générations à venir. Faute de quoi, cette pandémie risque de porter un coup fatal à une Organisation qui ne cesse de faire l’objet de critiques condamnant son incapacité à défendre les valeurs pour lesquelles elle a été créée. Je m’engager à œuvrer et plaider à travers l’Internationale socialiste et l’Alliance progressiste pour faire évoluer les choses.

Pour ce qui est de l’économie mondiale, il semble que nous soyons face à une crise unique en son genre. D’abord elle a été sciemment déclenchée par les pays du monde. Lesquels considèrent, à juste titre, que le droit à la vie est supérieur à tout autre. Ensuite, elle a la particularité d’être à la fois une crise d’offre et une crise de demande. C’est d’ailleurs ce qui en fait la plus grande crise qu’ait connue le monde durant le siècle dernier. A telle enseigne que même les grandes puissances s’apprêtent à vivre des jours difficiles d’autant plus que le FMI et certains gouvernements prévoient une récession économique qui pourrait atteindre -8% dans la zone euro et -14% en Grande-Bretagne par exemple, en plus de perte d’emplois allant de 20 à 30% dans certains secteurs voire plus. C’est ce qui explique les politiques volontaristes adoptées par ces gouvernements et leurs banques centrales. Il y en a même qui prônent des politiques économiques souverainistes.

Ce protectionnisme est compréhensible et peut être même nécessaire dans cette conjoncture de confinement sanitaire mais il ne peut être permanent eu égard à l’interdépendance qui caractérise les économies. D’ailleurs, nous ne sommes pas contraints de choisir entre le néolibéralisme d’un côté et les politiques protectionnistes renfermées (chauvinistes) de l’autre. Il est au contraire possible de revoir les chaines de production à l’avenir en se représentant (i) la nécessité d’assurer un seuil minimum d’autosuffisance concernant certains produits et de constituer des stocks stratégiques pour les produits qu’il est impossible de produire localement ; (ii) de réduire l’empreinte carbone et (iii) de dépasser la logique commerciale des produits les moins chers en faveur des produits les meilleurs c’est-à-dire plus durables sur le plan environnemental et social.

Au niveau national, nous suivons avec le plus grand intérêt l’impact de cette pandémie sur la société marocaine et les efforts déployés par notre pays pour en circonscrire le développement dans la perspective de l’éradiquer.

Une simple lecture de certains rapports des organisations internationales et régionales sur l’Afrique ou le Moyen-Orient renseigne sur le grand effort du Maroc par rapport aux dispositions qu’il a annoncées et mises en œuvre. C’est un constat doublement rassurant. D’une part cela démontre que notre pays dispose de moyens qui lui sont propres et qui nous permettent d’affronter les crises et d’autre part que le gouvernement est pleinement conscient de la gravité de la situation.

En effet, dès l’apparition du virus sur le sol national, l’Etat, sous la conduite de S.M le Roi, a plus que jamais incarné son caractère social, de sorte que notre pays est donné en exemple dans plusieurs pays du monde.

Les initiatives Royales ont grandement contribué à éviter des drames qui auraient eu des conséquences désastreuses. Notre pays a positivement réagi aux rapports des organisations internationales (OMS, FMI, ONU, Banque mondiale) et ce avec raison et sagacité. Les initiatives Royales se sont succédé. S.M le Roi, dans le cadre des prérogatives que lui confère la Constitution en tant qu’Amir Almouminine[1], Chef d’Etat, Chef suprême et Chef d’Etat-major des FAR, a en effet lancé les initiatives nécessaires pour limiter la propagation du virus, ce qui a eu pour effet l’adhésion de toutes les composantes de la société pour contribuer aux efforts déployés dans ce sens.

De plus, nous pouvons être fiers de la création du Fonds spécial dédié à la gestion de la pandémie du coronavirus pour assurer la prise en charge des dépenses de mise à niveau du dispositif médical, soutenir le pouvoir d’achat et aider les secteurs économiques affectés et préserver les postes d’emploi. En effet, grâce au magnifique élan de solidarité dont ont fait preuve toutes les composantes du peuple marocain, les contributions ont dépassé de loin toute attente pour atteindre 33 milliards de dirhams (soit près de 3% du PIB). Comme il faut saluer la création du Comité de veille économique qui a pour mission de suivre les répercussions de la pandémie et de proposer les mesures nécessaires pour y remédier.

En cette conjoncture exceptionnelle, l’administration marocaine, toutes composantes comprises, a démontré sa grande capacité d’adaptation et d’innovation, en plus d’un dévouement et d’une abnégation dans l’accomplissement des différentes tâches et missions. Alors que certains pointaient du doigt l’administration publique et ses employés avant cette pandémie, les conditions du confinement ont montré à tous l’importance du secteur public, son efficacité, et même les rôles vitaux qu’il joue et qu’il est impossible pour le secteur privé d’assurer.

Un grand merci donc à tous les intervenants dans le secteur de la santé, de l’hygiène, de la sûreté, aux autorités locales et à celles et ceux qui veillent au fonctionnement des infrastructures et de la logistique et qui risquent leur vie pour nous protéger et assurer nos besoins. Tous méritent amplement qu’on leur accorde plus d’intérêt et qu’on pense à récompenser leurs efforts.

Dans ce contexte, il convient de rappeler la situation des Marocains bloqués à l’étranger sans oublier les efforts déployés par les consulats du Royaume pour leur venir en aide. Mais la longue durée du confinement sanitaire et l’absence de perspective quant à la réouverture des frontières doivent inciter à une intervention dans les plus brefs délais pour leur rapatriement.

Le plan national multidimensionnel conçu par le Maroc n’aurait pu être concrétisé s’il n’y avait pas l’action responsable de l’Etat et la confiance que voue le citoyen aux institutions étatiques. C’est là une preuve de synergie entre l’Etat avec ses différentes institutions et ses pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire qui veillent à la protection de la vie et des intérêts des citoyens. Et la société qui respecte les décisions et les mesures prises par ces institutions.

Cette symbiose doit être préservée et protégée contre toute tentative de nuisance, car nous sommes face à une opportunité historique. L’occasion de reconstruire sur des bases solides. Une opportunité pour consolider les acquis et renforcer la spécificité marocaine. Nous sommes un pays aux affluents multiples solidement attaché au vivre-ensemble et aux institutions constitutionnelles. C’est cet esprit qui a facilité la gestion de la crise par le gouvernement lequel a fait preuve d’une harmonie et d’une coordination exceptionnelles dans un gouvernement de coalition. Ce capital ne doit pas être gaspillé pour cause de tiraillements et calculs politiques étroits et qui pourraient nuire aux intérêts du pays.

En tant que sociaux-démocrates, nous avons élaboré un slogan dans le cadre de la définition de notre projet de nouveau modèle de développement, que nous avons annoncé après des consultations internes lors d’un symposium international en avril 2018, nous souhaitons : “Un Etat fort et juste et une société moderne et solidaire”. Aujourd’hui alors que notre pays est à l’épreuve, tout le monde prend conscience du sens d’un Etat fort et juste. Un Etat crédible qui veille à assumer ses responsabilités et à tenir ses engagements.

Et des institutions déterminées à accomplir leur mission, quelles que soient les circonstances. Tout le monde prend également conscience du sens d’une société moderniste et solidaire : Une société solidaire, abstraction faite des appartenances de classes sociales, de géographie ou de genre.

L’individualisme n’a pas lieu d’être, quelle qu’en soit la nature. Nous nous devons aujourd’hui de constituer une alliance nationale n’exceptant personne (majorité et opposition, partis politiques et syndicats, associations et individus). Une alliance qui se doit de constituer un bloc uni pour consentir les sacrifices nécessaires en vue d’une sortie de crise.

En tant que démocrates, imprégnés des valeurs de liberté et des droits de l’Homme, nous sommes contrariés par le confinement sanitaire et ce qui en découle comme réduction effective de la liberté de prise d’initiative et de mouvement, mais nous sommes conscients que le droit à la vie et le devoir de défendre la pérennité de cette nation et de l’humanité entière nous obligent tous à consentir quelques concessions circonstancielles dans l’espoir de voir le pays et les nations du monde prendre le dessus sur cette pandémie.

Par ailleurs, nous sommes rassurés par la gestion mesurée du confinement par les autorités locales et la police et par la vitesse d’exécution à l’actif du gouvernement et du Parlement pour mettre sur pied les lois et les décrets permettant de gérer cette étape de manière appropriée.

L’étape à venir quant à elle sera particulièrement délicate. Elle exigera de nous de garder la même attitude consistant en le respect total des mesures préventives dictées et des dispositions et décisions institutionnelles qui se rapportent à cet état d’urgence sanitaire tout en préservant cette solidarité qui a régné entre les différentes catégories sociales. En effet, le recours au déconfinement progressif que nous observons dans plusieurs pays n’a pas été si facile qu’on l’aurait cru. Il s’est même avéré plus complexe que l’instauration du confinement. Cela est essentiellement dû à la complexité des mesures et dispositions préventives exigées par les responsables des systèmes de santé de par le monde. Nous en citons la stabilité de la situation pandémique, la baisse du nombre de nouveaux cas, la diminution du taux de reproduction du virus, R0 (<1), l’augmentation de la capacité d’accueil des hôpitaux, la disposition des moyens de surveillance épidémiologique et du suivi des malades… Sans oublier, bien évidemment, l’adhésion de tout le monde aux mesures et gestes préventifs drastiques pour ce qui est de l’hygiène et de la distanciation sociale.

Notre pays connaît dans ce cadre un débat institutionnel et un débat public parallèle se rapportant à deux principaux sujets. Le premier concerne la gestion de la crise dans la perspective de limiter la propagation du coronavirus, voire d’y mettre un terme. Et le second est en rapport avec les perspectives d’avenir pour préparer l’après. Dans ce débat et à travers ces deux volets, de nombreuses idées ont surgi. Des idées que notre parti n’a cessé de défendre et qui constituent toujours l’essence de sa distinction.

Même si nous ne sommes pas en mesure de procéder à une évaluation objective d’une pandémie dont les contours n’ont toujours pas été clairement définis et dont les répercussions au niveau socioéconomique ne cessent de prendre de l’ampleur de jour en jour. En tant que socialistes et démocrates qui prônent l’approche logique et scientifique et adoptent l’analyse concrète, nous pouvons faire part de quelques remarques au sujet de cette lutte dont la fin est imprévisible pour le moment.

L’économie nationale, à l’instar de celles des autres pays, a été impactée par les conséquences de la pandémie en raison de la cessation d’activité de dizaines de milliers d’entreprises dans différents catégories (industrie, agricultures, BTP, services…). Certaines institutions nationales tel que le Haut-commissariat au plan, ont prévu une baisse de croissance pour cette année en partant en fait d’une période limitée en comparaison avec celle liée au confinement sanitaire. La situation est telle que la gestion de cette crise ne dépend pas de notre pays seul mais de l’ensemble de la communauté internationale. Nous ne pouvons de ce fait nous avancer dans des prévisions sur une évolution précise de la situation ni sur sa durée dans le temps. Nous sommes cependant sûrs que les conséquences seront néfastes sur l’économie mondiale, ce qui amplifiera la crise de l’économie nationale.

 

 

1- Protection de la santé des citoyens et garantie d’une vie décente

L’engagement de l’USFP dans la défense des droits sociaux des citoyens ne date pas de cette crise, mais il est enraciné dans notre culture et notre référentiel social-démocrate. Nous l’avons démontré quand nous étions aux commandes de la gestion de la chose publique, nous avons toujours veillé à l’inclure dans nos programmes électoraux, et nous le considérons comme un pilier important dans notre conception du nouveau modèle de développement du Maroc. Pour cela, nous ne traitons pas ici tous les secteurs sociaux, mais nous allons nous focaliser sur les secteurs dont la pandémie a dévoilé l’importance et les lacunes dont ils souffrent.

A titre d’exemple, si le registre social national était prêt, il aurait été beaucoup plus facile et efficace d’orienter les aides vers les personnes qui en ont le plus besoin et dans la mesure nécessaire. Si le nombre des médecins et des infirmiers était le double de ce qui existe actuellement et qu’il était réparti équitablement sur tout le territoire national, cela n’aurait-il pas réduit l’impact de la pandémie sur les hôpitaux et ne nous aurait-il pas rendus plus confiants dans nos capacités sanitaires pour y faire face ?

  • Le système sanitaire

Nous réalisons aujourd’hui dans ces circonstances difficiles l’utilité de permettre à tous les Marocains d’accéder à un bon système de santé. Les déséquilibres du système de santé doivent être corrigés par l’adoption d’un système complet d’assistance médicale basé sur l’équité et la justice territoriale et l’adoption d’une vision globale dans la gestion du secteur de la santé qui ne doit pas être basé sur le modèle médical purement pathologique et thérapeutique.

Pour rappel, notre pays ne fait pas partie des pays qui ont des systèmes de santé solides et qui n’ont qu’à renforcer leurs capacités ou à augmenter leur capacité d’accueil pour faire face à une crise “passagère”. Ces pays peuvent considérer l’investissement supplémentaire dans le secteur de la santé comme une priorité conjoncturelle. Le Maroc, en revanche, souffre de faiblesses structurelles de son système de santé. Cette pandémie est une occasion de nous mettre tous devant nos responsabilités pour soutenir le secteur de la santé et tourner la page de l’ignorance des dysfonctionnements dans la carte médicale, le manque de ressources humaines, les faibles capacités financières et l’absence de la couverture sociale globale.

Dans ce contexte, nous devons saisir cette opportunité pour élargir, d’une part, l’adhésion au système de sécurité sociale et de faire bénéficier, d’autre part, les autres catégories sociales du système RAMED[2]. Ce dernier a besoin d’une simplification de ses procédures d’adhésion et d’une mise à jour de ses données en vue d’une amélioration de sa gestion toujours dans l’intérêt des citoyens et afin de préserver leur dignité. Nous avons besoin également d’informer les bénéficiaires sur leurs droits ainsi que le personnel des hôpitaux sur leurs devoirs envers cette catégorie sociale.

  • Les filets de sécurité sociale

Cette pandémie a enfin résolu le problème de l’aide sociale directe que nous réclamions depuis des décennies. Aujourd’hui, en dépit de l’absence du registre national unifié et de l’agence nationale des registres, les ministères des Finances et de l’Intérieur ont fait preuve d’une grande capacité de réaction face à cette pandémie et ont pu distribuer des aides financières directes (en moyenne 1.000 dirhams) à plus de quatre millions de ménages. Ceci nous rassure sur la capacité à mettre en place des filets de sécurité sociale ciblant les catégories sociales défavorisées ou vivant dans une situation de précarité. Même en terme de financement, les chiffres montrent que les montants requis sont raisonnables et restent dans les limites du budget de l’Etat si la problématique de la Caisse de compensation est réglée, et si on fusionne les Caisses qui fournissent des aides rentrant dans le même cadre, et ce après la clarification du statut des bénéficiaires et la mise à jour des données les concernant.

  • Le système éducatif

La pandémie et le confinement sanitaire ont mis en évidence la capacité d’adaptation du système éducatif. Cela est dû aux efforts consentis par le ministère, les AREF, les universités et les professeurs.

En effet, des défis liés à leurs fonctions habituelles, le confinement sanitaire a placé le système éducatif face à de nouveaux défis tels que l’enseignement à distance ou la recherche scientifique dans les domaines liés à la pandémie et ses répercussions. Ce qui a mis en évidence le rôle primordial du système d’éducation publique, d’une part, et les limites des choix néolibéraux mis en place lors de ces dernières années, d’autre part. Indépendamment, de la voix dissonante de certains directeurs d’écoles privés et des problèmes d’égalité des chances pour l’accès à Internet et aux ordinateurs, l’école publique marocaine était au rendez-vous, que ce soit en termes de prise de décision au bon moment ou en termes de mobilisation de toutes les capacités techniques pour réussir l’expérience de l’enseignement à distance ou en termes de programmation des examens et de préparation de la prochaine rentrée scolaire.

Cela démontre qu’une réforme est possible et que nous n’avons besoin que d’une volonté politique forte, d’une cohésion nationale et d’être conscient de notre responsabilité envers la génération montante. Cette conjoncture difficile a également démontré que l’enseignement supérieur public n’est pas seulement le sommet de la pyramide du système éducatif, mais qu’il doit plutôt être considéré comme le pilier qui contribue au progrès du pays, à la démocratisation de ses institutions et à l’édification d’une société moderne dans laquelle règne la justice sociale. L’enseignement supérieur public participe à la production de nouvelles connaissances nécessaires pour la formation des compétences nécessaires dont le pays a besoin, tels que les médecins, les infirmiers, les ingénieurs, les techniciens, les professeurs, les penseurs, les fonctionnaires, les entrepreneurs, les artistes et autres.

A ce titre, il est nécessaire de rappeler notre conception du système éducatif au sein de l’USFP en tant qu’outil principal de construction du citoyen. Nous considérons que la gratuité de l’enseignement est un droit du peuple marocain et un engagement de l’Etat envers la société. Nous insistons aussi sur la nécessité de garantir la justice numérique et linguistique pour toutes les catégories du peuple marocain.

S’agissant de la question des langues, nous plaidons pour le renforcement du statut culturel et moral des langues arabe et berbère, tout en s’ouvrant sur d’autres langues qui sont la clé de la science dans le monde d’aujourd’hui.

L’abolition des différentiations sociales passe par l’égalité des chances dans l’éducation pour permettre à tous d’obtenir les mêmes outils de connaissance de la même manière et par les mêmes moyens, en adoptant des programmes permettant d’acquérir les outils de la pensée rationnelle et critique et mettre entre les mains de la nouvelle génération les moyens et les clefs de son adhésion à la révolution scientifique actuelle et future.

 

2- Poser les jalons d’une nouvelle économie nationale

Vu que nous sommes devant une crise économique sans précédent, à la fois une crise de l’offre et de la demande, en sortir dans le cas du Maroc tout particulièrement, ne peut se faire via une politique de relance économique traditionnelle consistant à verser des fonds dans le système financier et à aider les entreprises en détresse. Nous sommes appelés aujourd’hui plus que jamais à mettre fin aux pratiques du passé.

  • La priorité accordée à faire face aux risques de liquidité ne doit pas cacher d’autres risques qui nous guettent

La fermeture totale et inopinée du pays, qui était et est toujours nécessaire pour la préservation de la vie des citoyens, a impacté la majorité des entreprises marocaines[3] et affecté leur capacité à faire face au risque de liquidité. Pour cette raison, la réaction du gouvernement à travers « le Comité de veille économique » était judicieuse et vitale pour atténuer ce risque.

Cependant, nous ne devons pas nous contenter de cela et nous devons nous tourner vers le risque de solvabilité qui pourrait empirer avec le retard de la reprise de l’activité économique. Le gouvernement pourrait acheter les dettes de certaines entreprises ou même rentrer dans le capital de certaines d’entre elles pour atténuer le poids de la dette pesant sur leurs bilans et pour leur permettre de continuer à investir et à employer. L’Etat pourrait même les nationaliser provisoirement pour éviter leur faillite. Il faut préciser que le recours ici à la nationalisation n’est pas fondé sur un référentiel idéologique, mais il vise à sauver les entreprises nationales de la faillite et, partant, à préserver les moyens de production et les postes d’emploi. A titre d’exemple, nous sommes aujourd’hui face à un modèle de mauvaise gestion d’une société nationale par le secteur privé qu’il faut penser à nationaliser pour tirer profit de ses actifs vu la situation actuelle du marché mondial du pétrole. Il s’agit en l’occurrence de la SAMIR.

Le problème de liquidité affecte également la balance des paiements. Les rapports de l’Office des Changes sur le commerce extérieur montrent comment la crise du Covid-19 affecte la balance commerciale marocaine. En effet, la valeur des exportations a dégringolé beaucoup plus que celle des importations. S’ajoute à cela la baisse prévue des recettes du tourisme, des transferts d’argent des MRE et de l’investissement direct étranger. Cette situation ne peut nous conduire qu’à un choc que même la baisse de la facture énergétique ne pourra atténuer. Pour cette raison, il est urgent de prendre des mesures pour réduire l’importation des produits considérés « non nécessaires » et revoir les accords de libre-échange dont certains sont en défaveurs de l’acteur économique marocain.

  • La politique fiscale et la structuration du secteur informel

Les efforts consentis par le gouvernement resteront insuffisants et peu efficaces à cause de l’importance du secteur informel. En effet, un nombre important de Marocains ne sont pas intégrés dans le système fiscal ni à la CNSS[4].

La politique fiscale et les mécanismes de la protection sociale sont d’abord des outils de pilotage de la gestion de la société pour la préservation de sa cohésion, notamment pendant les crises. Et si le Maroc n’avait pas œuvré depuis son indépendance à mettre en place ces mécanismes (en dépit de leurs limites), nous pourrions être aujourd’hui parmi les Etats dits « faibles » qui ont non seulement besoin d’aide financière et d’accès aux crédits, mais également d’aide à la gestion de cette crise et peut être même à acheminer les aides à leurs citoyens.

Pour cela, l’universalité de ces mécanismes est une nécessité vitale pour le Maroc postcrise Covid-19 et cela passe par la mise en place d’une politique fiscale équitable et équilibrée pour que nous puissions être en mesure de faire face à des crises futures avec plus d’efficacité et moins de coût pour les finances publiques et pour que notre politique économique ait un plus grand impact sur la création de d’emploi.

Nous devrions, donc, affronter les dysfonctionnements du système fiscal actuel à travers : 1) l’élargissement de l’assiette fiscale pour inclure toutes les activités commerciales y compris les nouvelles activités (l’économie numérique par exemple) ; cette crise a dévoilé la limite du phénomène du « système D » et a répondu à tous ceux qui mettaient en doute l’utilité de payer ses impôts ou de déclarer ses employés au niveau des Caisses de protection sociale ; 2) La pénalisation de la fraude fiscale ; 3) La révision des seuils fiscaux pour l’impôt sur le revenu (IGR) et l’impôt sur les sociétés (IS) pour inciter à l’intégration du secteur informel. Ce sont des conditions préalables pour rééquilibrer les finances publiques, d’une part, et pour permettre au gouvernement de disposer des mécanismes à même de redynamiser les secteurs sinistrés et d’orienter l’investissement vers de nouveaux secteurs, d’autre part.

  • La nécessité du soutien de la production nationale pour que celui de la consommation ne nous pousse pas à augmenter les importations

La promotion de la production nationale est inévitable pendant et après la crise du Covid-19. D’une part comme conséquence logique de la perturbation des chaînes de production à l’échelle mondiale et la dégradation des échanges commerciaux internationaux ; et d’autre part, vu que la plupart des gouvernements sont conscients aujourd’hui qu’un minimum d’autosuffisance est devenu nécessaire pour faire face à cette crise mondiale.

A cet égard, nous avons déjà plaidé dans notre mémorandum sur le nouveau modèle de développement et dans notre programme électoral des élections législatives de 2016 pour l’importance de la reprise de l’initiative nationale et pour ne pas tout miser sur l’acteur extérieur (qu’il s’agisse de l’investissement (IDE) ou de marchés pour écouler nos produits). Nous avons considéré que les PME doivent être au centre des politiques monétaires, des stratégies sectorielles et de la gestion du climat des affaires, dans le but de les développer, de les protéger et d’améliorer leur compétitivité, ce qui leur permettra de garantir des postes de travail, d’approvisionner le marché intérieur et de se diriger ensuite vers l’exportation.

Les événements actuels sont un bon exemple de la capacité des entreprises marocaines à s’adapter et de la capacité des travailleurs marocains à innover. Ainsi, en quelques semaines des entreprises marocaines ont réussi à développer la fabrication des masques à tel point que nous avons atteint l’autosuffisance et, mieux, nous avons commencé à exporter le surplus.

L’encouragement du capital national producteur, employeur et innovant exige l’élimination de l’économie de rente, de la spéculation, du monopole et autres pratiques visant l’enrichissement rapide d’une minorité, sans créer de valeur ajoutée ni pour la nation ni pour les citoyens.

  • Quid des nouvelles politiques sectorielles ?

Etant donné que nous sommes en train de poser les jalons d’un nouveau modèle de développement, il faut créer de nouveaux mécanismes de production de la richesse surtout après l’impact de la pandémie sur plusieurs secteurs économiques qui a rendu impossible le retour à leur situation d’avant la crise.

Et comme nous défendons, en tant que sociaux-démocrates, un modèle de société moderniste et solidaire, nous ne pouvons penser la solidarité ici et maintenant seulement, mais il est également question, selon nous, d’une solidarité intergénérationnelle. Pour cela, nous considérons que l’économie verte est l’un des piliers essentiels sur lesquels reposera le nouveau modèle de développement du Maroc.

La croissance verte est une occasion pour dépasser les modes de production et de consommation non durables et caractérisés par le gaspillage. Il ne s’agit pas ici de se contenter de prendre en compte les questions environnementales dans les décisions d’investissement dans l’infrastructure par exemple, mais il s’agit d’une vision globale de la politique économique nationale qui vise le développement durable protégeant le capital naturel et garantissant une vie digne aux citoyens où qu’ils se trouvent sur le territoire national et particulièrement les habitants des zones isolées dans les montagnes, les oasis et les citoyens transhumants.

Il n’est pas question ici d’appliquer les recommandations des institutions financières internationales ou des bureaux d’études, mais il s’agit plutôt d’un besoin urgent compte tenu de la rareté des ressources en eau et de la fragilité des écosystèmes dans notre pays, ce qui d’ailleurs a déjà eu des effets désastreux ces dernières années sur nos concitoyens.

Evidemment, nous ne demandons pas d’appliquer des plans préparés d’avance par les institutions internationales, mais nous espérons que la créativité du Marocain fera ses preuves encore une fois dans ce domaine et que le capital national –avec le soutien de l’Etat- pourra développer quelques expériences embryonnaires en vue d’améliorer les conditions de vie, de créer les postes de travail et de diminuer la pauvreté et l’immigration. Un exemple des secteurs qu’on peut développer est le secteur de la production des plantes médicinales dont regorge notre pays, pour que nous puissions passer d’un pays exportateur de matières premières à un pays exportateur des principes actifs qui rentrent directement dans l’industrie des médicaments et des produits cosmétiques. Il faut citer également les initiatives d’exploitation des énergies renouvelables et qui nécessitent la réglementation de leur vente du secteur privé vers le réseau national d’électricité, ainsi que les initiatives de recyclage des déchets, etc.

Il y a lieu de signaler que cette orientation faciliterait l’accès au financement sur le marché mondial surtout après cette pandémie qui a changé la vision des institutions financières quant au rôle de l’économie verte et a convaincu beaucoup d’acteurs de la nécessité d’éviter l’exploitation avide des ressources de la terre et de préserver notre mode de vie.

Pour cette raison, nous proposons que notre modèle d’une économie verte au Maroc passe tout d’abord par le secteur de l’agriculture, à travers l’encouragement de l’agriculture biologique, le soutien aux petits agriculteurs en leur permettant d’accéder à la propriété des terres et au financement et en les accompagnant sur le plan technique. Cela aura un double effet : d’une part, la production de produits alimentaires de qualité pour le marché intérieur, ce qui améliorera la santé des citoyens et permettra d’exporter le surplus compte tenu de l’augmentation de la demande pour ces produits ; et d’autre part, l’augmentation du revenu des ménages dans le monde rural et, partant, l’atténuation de la pression migratoire sur les villes dont les banlieues souffrent de la forte densité de population et de conditions de vie difficiles.

Quant aux secteurs sinistrés suite au confinement sanitaire, nous aurons besoin de beaucoup de courage et de créativité pour sortir de la crise. Le secteur du tourisme, à titre d’exemple, a été fortement impacté par la fermeture des frontières et l’arrêt du mouvement des voyageurs. En effet, la Confédération nationale du tourisme estime les pertes du secteur à 46 milliards de dirhams à l’horizon 2022. Sachant que ce secteur assure environ 500.000 postes de travail et que son retour à la situation normale dans un an ou deux ans est impossible, le soutien financier aux entreprises de ce secteur ne sera pas suffisant puisque l’offre sera sans aucun doute plus importante que la demande, ce qui aura pour conséquence la fermeture de certaines unités hôtelières et entreprises touristiques. Pour cela, il faut, d’une part, encourager le tourisme intérieur en développant un produit touristique répondant aux attentes et aux intérêts du touriste marocain et, d’autre part, prendre en compte les travailleurs dans ce secteur et préparer des programmes pour requalifier une partie d’entre eux et les réorienter vers d’autres secteurs.

Idem pour le secteur des services et du commerce qui sera impacté par le changement des modes de consommation et par le développement du commerce numérique (à titre d’exemple, en Chine, après le déconfinement environ 30% de la population effectue ses achats via internet au lieu de se rendre aux commerces traditionnels).

Enfin, il faut développer les capacités des régions et des provinces en prévision d’un avenir plein de dangers similaires à ceux que nous vivons aujourd’hui. Cela passe par deux mécanismes :

  • Développer un réseau logistique afin de renforcer les capacités des régions et des provinces et leur permettre d’atteindre l’autosuffisance dans des domaines vitaux comme l’énergie, les produits alimentaires de première nécessité et la santé ;
  • Préserver les terres agricoles de l’extension urbaine et encourager leur exploitation dans l’agriculture pour fournir des produits locaux.

Compte tenu de tout ce qui précède et étant dans une course contre la montre pour gérer cette crise et ses répercussions, nous pensons qu’il est urgent de présenter dans les plus brefs délais une loi de Finances 2020 rectificative au Parlement et de présenter des scénarii pour le projet de loi de Finances 2021.

  • L’évaluation, la mise à jour et le contrôle

Nos ressources sont limitées et nécessitent une utilisation rationnelle et efficace. Pour cela, le versement de l’argent par l’Etat pour le secteur privé ne doit pas être considéré comme un chèque en blanc. Au contraire, le gouvernement doit activer les moyens de contrôle et de suivi et assumer ses responsabilités dans ce domaine en présentant des rapports périodiques au Parlement à propos de la gestion de la pandémie, de ses répercussions et du sort de l’argent versé soit à partir du budget de l’Etat ou du « fonds Covid-19 ».

Nous devons également être armés pour assurer le suivi et le contrôle de tout ce qui se passera durant la période de déconfinement, pour tirer les leçons et réagir rapidement en vue de revoir, le cas échéant, les mesures que nous avons prises.

 

3- La protection des femmes et l’amélioration de leurs conditions sont au cœur de notre projet de développement

Les sociétés rationnelles, modernistes et solidaires sont celles qui ont fait preuve d’une grande capacité à faire face à cette pandémie et ses répercussions. Par conséquent, l’édification d’une société moderniste, rationnelle et responsable qui n’exclue personne est une nécessité vitale pour notre pays. Cela exige, entre autres, d’enraciner la parité, l’égalité et la dignité humaine en vue de lutter contre l’exclusion et la marginalisation et de fortifier le sentiment d’appartenance nationale chez les différentes couches sociales.

Malheureusement, le bilan préliminaire des répercussions de la pandémie à travers le monde[5] a démontré -chose qui était prévisible- que les femmes et les filles souffrent plus des effets négatifs des mesures de confinement aussi bien sur le plan économique (car elles sont surreprésentées dans le secteur informel), que sur le plan social (elles subissent plus de pression pendant le confinement pour préserver l’équilibre familial, veiller à la scolarisation des enfants et assurer les tâches ménagères), ainsi que sur le plan sanitaire (la détérioration des services liés à la santé maternelle). Pis encore, il a été constaté une augmentation de la violence dans le milieu familial et surtout à l’égard des femmes.

Au Maroc, vu que la culture de l’égalité n’est encore qu’un slogan, et vu que la mentalité masculine est encore enracinée chez les hommes de l’administration et même parfois chez ses femmes, nous avons constaté qu’une mesure aussi louable que celle de la distribution des aides financières aux familles défavorisées (disposant ou non de la carte RAMED) a profité seulement aux pères de familles. Or, on trouve à la tête de plus d’un quart des ménages au Maroc des femmes (indépendamment de la présence du père et sa capacité à travailler). Alors que dans les pays développés, les aides sont distribués équitablement entre le père et la mère de famille. Alors que dans certains pays d’Amérique latine, l’aide a été versée aux femmes seulement, car elles sont plus soucieuses de prendre soin de leurs familles et de leurs enfants. Le gouvernement aurait, donc, dû verser les aides financières aussi bien aux femmes qu’aux hommes pour préserver la dignité des femmes et l’équilibre des ménages.

En ce qui concerne le fléau de la violence à l’égard des femmes, nous appelons à la préservation de la vie et de la santé des femmes et à la mobilisation des capacités de la police, du ministère public et des associations de lutte contre la violence à l’égard des femmes en vue d’éviter des tragédies. Durant la période du confinement sanitaire, les femmes ne peuvent pas quitter la maison conjugale ou recourir à qui ce soit, pour cela, on doit renforcer les centres d’écoute et trouver des abris pour les femmes violentées hors de la demeure conjugale (dans les hôtels vacants à titre d’exemple).

Après la sortie du confinement sanitaire, il faut se pencher d’une façon urgente sur la révision les lois concernant les droits des femmes pour qu’elles soient en cohérence avec le texte de la Constitution et notamment son article 19[6].

Il n’y a pas d’autre solution que de vivre notre temps et d’avancer vers l’avenir avec la pleine contribution des femmes, dont les droits et l’émancipation devraient figurer à la tête des priorités du nouveau modèle de développement, car elles sont – comme le prouvent les expériences des pays démocratiques développés – un acteur clé de la construction démocratique, du développement et du progrès de la société.

 

4- Volet institutionnel

L’USFP s’est toujours inspiré de la pensée sociale-démocrate, la considérant comme une réelle alternative au libéralisme sauvage qui élimine toute intervention de l’Etat. Notre défense du rôle de l’Etat dans l’amélioration des conditions de vie des catégories sociales les plus vulnérables et dans le soutien des entreprises qui participent à la croissance n’est ni dictée par la crise actuelle, ni un simple slogan vague, ou une position opportuniste.

Il est clair aujourd’hui que nous avons besoin d’un Etat qui œuvre pour offrir à l’ensemble des citoyens des chances égales de réussite, en leur garantissant cette égalité pour leur santé, éducation ou besoins essentiels. C’est en cela que l’Etat est juste. L’accomplissement de ces rôles donnera, sans nul doute, la légitimité à l’Etat d’entreprendre des initiatives dans les domaines économique, financier et social, en vue de garantir les droits et libertés des individus dans la prise d’initiatives, d’actions, l’investissement, et de réfléchir à ce qui doit être fait en vue de garantir l’équilibre du pays. C’est l’Etat fort.

La dernière mobilisation nationale entamée autour du projet de nouveau modèle de développement, et qui s’est enracinée avec l’état d’urgence sanitaire, exige la poursuite des réformes politiques dont les plus importantes sont :

  • La révision du système électoral

Le but de cette révision est de consolider une réelle représentativité politique et de faire émerger des élites compétentes et intègres. A cet effet, nous insistons, en accord avec mémoires du parti à ce sujet, sur la nécessité de surmonter cette crise chronique du système de la représentativité et des défaillances accumulés, notamment, la faiblesse de performance des institutions élues, l’aggravation de la corruption électorale à travers l’usage de l’argent, le recours à la bienfaisance et l’abus de pouvoir, à travers la garantie d’une concurrence politique loyale et un scrutin intègre et transparent.

Nous réitérons l’appel à la tenue d’un dialogue global avec les instances politiques, majorité et opposition, en vue de résoudre les dysfonctionnements du système de représentativité et de renforcer l’intégrité de l’opération électorale. De même, nous appelons le Conseil national des droits de l’Homme et l’Instance nationale de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption à contribuer aux réformes électorales prévues, à superviser l’intégrité des opérations électorales et à annoncer immédiatement les résultats de sa supervision conformément aux missions qui leur incombent, constitutionnellement et légalement.

  • L’élargissement du champ de la répartition des pouvoirs entre le centre et les espaces territoriaux décentralisés

A travers l’accélération de l’exécution de la Charte de la déconcentration administrative stipulée par la Constitution et promulguée par décret daté de décembre 2018, ce qui permettra de doter les régions du Royaume de structures administratives pourvues d’autonomie suffisante en vue d’élaborer des politiques publiques régionales répondant aux spécificités spatiales de chaque région, ainsi que de mettre en œuvre et de développer des stratégies de développement régionales qui, quatre ans après les dernières élections, n’ont pour la majorité pas encore été appliquées ou même pas encore préparées.

  • L’instauration réelle de l’indépendance du pouvoir judiciaire

L’instauration réelle de l’indépendance du pouvoir judiciaire au service du citoyen, de la loi et du développement comme cela a été confirmé par la lettre de S.M le Roi adressée aux participants au premier Congrès international de la justice le 2 avril 2018, partant du principe que « l’indépendance n’a pas été instaurée en faveur des juges mais au profit des justiciables, si ce principe implique des droits en faveur des justiciables, il induit une obligation qui pèse sur les juges ».

Par ailleurs, il est urgent de développer la numérisation de l’administration des tribunaux avant de réfléchir à la digitalisation des procès (qui exige comme l’avait annoncé le ministre de la Justice un effort en matière législative pour garantir les droits constitutionnels des justiciables dans le cadre de la numérisation). Le fait de vouloir atteindre l’objectif de célérité à travers la précipitation dans le traitement des dossiers comme on le constate actuellement dans certains tribunaux, porte atteinte au droit du citoyen à un procès équitable. En revanche, accélérer et moderniser les procédures administratives via la digitalisation et la mise à disposition de l’information rendront l’administration des tribunaux plus efficace et protégeront les justiciables de la corruption et de ses intermédiaires.

Ce chantier nécessite un plan d’action clair en vue du changement que devront connaître les tribunaux, particulièrement dans le champ numérique. La réussite de ce chantier requiert un effort législatif et technique, de même qu’il exige la contribution et l’adhésion des corps de la magistrature ainsi que de tous les auxiliaires de justice.

  • Accélération de l’application des règles et procédures relatives à la digitalisation de l’administration publique

Accélérer l’application des règles et procédures relatives à la digitalisation de l’administration publique dans l’objectif de généraliser et d’améliorer les services essentiels en faveur du citoyen et de l’entreprise. L’effort de la numérisation doit être accompagné d’un effort pour rendre accessible cette administration aux personnes qui sont incapables d’utiliser les outils technologiques afin qu’elles puissent elles aussi continuer à accéder aux services administratifs de manière traditionnelle. En effet, l’effort de la digitalisation ne doit pas se transformer en un facteur d’exclusion.

[1] Commandeur des croyants

[2] RAMED : Régime d’Assistance Médicale au profit des démunis qui ne sont pas pris en compte dans le régime AMO (assistance médicale obligatoire) qui concerne les personnes exerçant une activité lucrative, les titulaires de pension, les anciens résistants et membres de l’armée de libération et les étudiants.

[3] Voir le sondage d’opinion réalisé par la CGEM.

[4] Caisse Nationale de Sécurité Sociale

[5] Rapport des Nations Unies

[6] « L’homme et la femme jouissent, à égalité, des droits et libertés à caractère civil, politique, économique, social, culturel et environnemental, énoncés dans le présent titre et dans les autres dispositions de la Constitution, ainsi que dans les conventions et pactes internationaux dûment ratifiés par le Royaume et ce, dans le respect des dispositions de la Constitution, des constantes et des lois du Royaume. L’Etat marocain Å“uvre à la réalisation de la parité entre les hommes et les femmes. Il est créé, à cet effet, une Autorité pour la parité et la lutte contre toutes formes de discrimination. »

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