Le monde bouge et il ne s’arrêtera pas dans les années qui viennent. Le 21e siècle sera marqué par un important déplacement de populations. La migration augmente aux quatre coins du globe. La migration entre les pays de l’hémisphère sud a déjà dépassé les mouvements migratoires du sud vers le nord. Un nombre croissant de personnes se met en mouvement, à la recherche de nouvelles opportunités économiques et de nouvelles expériences de vie. Sur terre, près d’une personne sur sept est un migrant. 740 millions de personnes ont quitté leur lieu d’origine pour chercher un autre endroit, dans leur propre pays, alors que 244 millions de personnes ont traversé les frontières pour migrer vers l’étranger. Selon l’Organisation internationale du travail, de nombreux migrants font actuellement un travail forcé ou sont des esclaves. Au cours de ces dernières années, le nombre de personnes ayant fui un conflit armé, la persécution ou la violation des droits humains a considérablement augmenté et, selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), il s’agirait de plus de 65 millions de réfugiés. D’autres fuient les conséquences négatives du changement climatique, des catastrophes naturelles ou d’autres changements environnementaux.
De nombreuses personnes décident de quitter leur patrie non pas par choix, mais par nécessité, pour améliorer leurs mauvaises conditions de vie. De nombreux facteurs rendent la vie plus soutenable, voire simplement envisageable, dans de nombreux endroits du globe. La perte d’habitat sur notre planète contraint de plus en plus de personnes à s’engager sur une voie difficile, à la recherche de sécurité et de perspectives de vie. La différence entre fuite et migration est de plus en plus floue. C’est pourquoi de nombreux experts parlent de « migration forcée » ou de « migration de survie » pour souligner le fait que la définition d’un réfugié dans la législation internationale, qui désigne uniquement les personnes victimes de persécution politique, ne correspond plus à la réalité. Dans certains cas, les personnes peuvent être en mouvement pendant des années, traversant de nombreux pays et maintes régions où ils vont vivre dans des conditions sociales, économiques, politiques et juridiques complètement différentes. Les migrants et les réfugiés ont un point commun : ils luttent pour leur droit de vivre, prenant des risques inconsidérés. Il est capital d’ouvrir des voies sécurisées pour la fuite et la migration légale de ces personnes, tout en créant, dans le monde entier, des conditions qui permettraient à chacun de choisir librement de rester sur place, de partir ou de rentrer.
Promouvoir la démocratie
Les motifs pour la fuite et la migration sont souvent les conséquences de mauvaises politiques pratiquées depuis des années au service d’élites corrompues et autoritaires. Il est impératif de soutenir les processus de démocratisation dans le monde entier pour maintenir la paix et promouvoir le développement économique. Dans de nombreux pays, la démocratisation est la seule solution viable pour limiter le potentiel de conflits internes, pour réduire les inégalités économiques et sociales et pour mettre en place des structures politiques efficaces.
Renforcer la prévention des conflits
La stabilisation démocratique des états et la prévention des conflits violents comptent parmi les mesures les plus efficaces pour réduire à la source les tentatives transfrontalières pour chercher refuge. Dans ce contexte, il faut notamment porter la plus grande attention aux états fragiles et en faillite, car c’est là que se concentrent les principaux facteurs de fuite et de migration. Il est impossible de « réparer » rapidement ces états. Il sera nécessaire de s’engager sur le long-terme.
Lutter contre la pauvreté
Chaque année, des millions de personnes sombrent dans la pauvreté, à cause d’une mauvaise santé, du chômage, de mauvaises récoltes, d’un âge avancé ou du décès d’un membre de la famille. Ce sont quelques 700 millions de personnes qui souffrent d’une pauvreté extrême et qui vivent, en général, dans des conditions inhumaines, sans accès à l’éducation, à une nourriture saine et à de l’eau propre, ou encore à des installations sanitaires. L’infrastructure sociale de nombreux pays de l’hémisphère sud est très limitée et ne fonctionne que partiellement. Près de 80 pour cent de la population mondiale vit actuellement sans aucune assurance contre les risques fondamentaux de la vie. Cela engendre souvent des crises existentielles qui font sombrer les personnes dans le désespoir et forcent les familles à pousser des membres de leur famille à émigrer dans l’espoir de pouvoir peut-être envoyer de l’argent à la famille restée au pays pour en assurer la survie.
Lutter contre les mauvaises conditions de travail
La migration de travail révèle souvent des inégalités issues de politiques commerciales néo-libérales qui s’intéressent uniquement au libre-échange et à une circulation fluide des biens, négligeant les coûts sociaux de la migration. Les personnes obligées de quitter leurs familles pour assurer leur existence sont souvent exploitées et déchues de leurs droits humains.
Lutter contre les inégalités
L’augmentation considérable de l’inégalité au sein et entre les pays et le manque de perspectives pour de nombreux jeunes sont quelques-uns des principaux défis de notre époque. Le fossé entre les gagnants et les perdants de la globalisation s’agrandit continuellement. Des millions de personnes sont à la recherche d’un avenir meilleur de l’autre côté des frontières de leur pays d’origine. Une inégalité croissante est désormais reconnue comme l’une des principales causes de conflits. Même le rapport « Global Risks 2014 » du Forum économique international de Davos estime que les grandes disparités de salaires entraîneront des « dommages sérieux » dans le monde au cours de la prochaine décennie et considère cela comme le risque le plus plausible. Nous sommes en train de vivre une « globalisation ascendante » en laissant augmenter considérablement les inégalités au sein et entre les pays.
Lutter contre le changement climatique
Il faut prendre les prévisions avec précaution, mais il y a de nombreux indicateurs d’un changement climatique. Les changements environnementaux en découlant seront les principaux facteurs déterminant la fuite et la migration au cours des années à venir. Dans certaines régions, le changement climatique est déjà une catastrophe climatique, ce qui explique les importants mouvements de migration. Ainsi, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) estime que le nombre de réfugiés environnementaux a doublé en passant, au cours des 15 dernières années, à 50 millions. Ce chiffre devrait passer à 200 millions d’ici 2050. Leur statut est tout sauf clair. Mais ils ne pourront en aucun cas rentrer chez eux à cause d’une sécheresse persistante, de la salinisation des sols et de l’eau potable, des inondations, etc.
Dans les années à venir, nous devons absolument avancer dans les secteurs suivants :
Le texte du traité récemment négocié à Paris est une bonne base pour la mise en place de ces objectifs.
Plus de solidarité internationale
Le manque de solidarité internationale lorsqu’il s’agit d’aide humanitaire et d’accueil sûr des réfugiés est honteux. De nombreux états sont plus préoccupés par la question de savoir comment leur population réagira face aux immigrants que par la souffrance aiguë des réfugiés.
Promouvoir une réforme de la politique internationale en matière de migration et de réfugiés
Les dernières décennies ont vu d’énormes progrès, mais la politique internationale en matière de migration et de réfugiés ressemble encore à un patchwork. Les principaux mouvements de migration et de fuite dont nous sommes témoins aujourd’hui ne s’arrêtent pas aux frontières. Aucun pays du monde ne peut résoudre seul les problèmes politiques, économiques, sociaux, humanitaires et les problèmes de droits humains. Il est indispensable de réformer la politique internationale en matière de migration et de réfugiés et il est urgent de trouver une approche et des solutions internationales. En effet, alors que le nombre de migrants internationaux a constamment augmenté au cours des dernières années, le nombre de réfugiés et de personnes déplacées à l’intérieur d’un pays a littéralement explosé. Le principe du partage de la responsabilité et de la répartition des charges doit être réglementé au niveau international. Il faut poser les bases pour une gestion de la migration s’appuyant sur les droits.
Cela serait une étape capitale dans le développement du partage et de la solidarité internationale en matière de responsabilité.
Étendre et consolider le système humanitaire
Les mécanismes fragiles du partage des responsabilités engendrent des disparités internationales extrêmes dans la répartition des réfugiés. Près de 86 pour cent des réfugiés sont accueillis dans des pays en développement, qui se retrouvent dépassés par la situation actuelle en matière de réfugiés, en dépit d’un bilan plutôt positif.
En faveur d’un programme international d’accueil des réfugiés
Nous allons avoir besoin de capacités temporaires et permanentes plus importantes pour l’accueil des réfugiés.
Appliquer et étendre les lois et conventions internationales
La situation de certains réfugiés n’est couverte par aucun traité ou convention sur la protection des migrants et des réfugiés. Il faut mettre en place des régimes de protection, en particulier pour les personnes déplacées au sein d’un pays, mais aussi pour les réfugiés climatiques, qui ne pourront jamais rentrer chez eux, contrairement – du moins en théorie – aux demandeurs d’asile politique.
Migration et développement
Lorsque nous regardons en arrière, nous ne pouvons que constater que la migration est loin d’être un problème. Au contraire, à long terme, elle est un enrichissement pour toutes les communautés. Aujourd’hui aussi, la migration peut aider le développement à long terme des pays d’origine, des pays de transition et des pays de destination. Dans certains cas, c’est même la migration qui a permis le développement, ou qui a permis de renverser une évolution négative telle qu’un vieillissement excessif ou un manque de main d’Å“uvre compétente dans la communauté d’accueil. Les migrants arrivent souvent avec un savoir-faire nouveau et permettent de faire avancer des développements technologiques. Pendant de nombreuses années, les formes de migration les plus puissantes ont été limitées dans le temps et avaient une forme circulaire, et les transferts de fonds des migrants vers leur pays d’origine jouent un rôle de plus en plus important. En général, cet argent permet aux familles des migrants restées dans le pays d’origine non seulement de se sortir de la pauvreté mais aussi d’accéder à une éducation et à des formations et d’améliorer les soins. Selon la Banque mondiale, deux tiers des 600 milliards de dollars US payés en transferts de fonds sont transférés vers des pays en développement – une somme largement supérieure à celle que ces pays reçoivent en aide au développement. Cependant, ces investissements de fonds privés ne doivent pas remplacer les services publics fournis par l’état.
Parallèlement, pourtant, la migration peut aussi augmenter les inégalités et accélérer la fuite des cerveaux. En outre, on néglige souvent les conséquences au niveau des familles et au niveau social, lorsque l’on se penche sur la question. Les travailleurs, en particulier, sont souvent obligés de parcourir de longs trajets en raison de la situation économique et voient rarement leurs amis et leur famille. C’est justement parce que la migration est un phénomène complexe qu’il est important de veiller à l’implication des pays de l’hémisphère sud dans le développement de régimes de migration. Il n’incombe pas à l’hémisphère nord seul de juger si une migration est « souhaitable » ou « non souhaitable ».
Mobilité, migration et agenda 2030
Les forces progressistes, sociales-démocratiques et socialistes des quatre coins du globe prennent position en faveur des personnes en difficulté et en situation précaire. Cela inclut les migrants et les réfugiés, comme le dit clairement le préambule de l’Agenda 2030 des objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies. La migration est une composante à part entière de cet agenda et l’objectif 10.7 appelle tous les pays à proposer des solutions pour faciliter la migration et la mobilité de façon ordonnée, sans danger et responsable, ainsi que la mobilité des personnes, notamment par la mise en Å“uvre de politiques de migration planifiées et bien gérées. Outre la mention explicite de la migration dans les ODD, un grand nombre des 17 objectifs et 169 cibles concerne les causes de la fuite et de la migration. Surmonter la pauvreté et mettre en place le droit à la santé, à la justice, à un travail décent, à la paix et la gestion responsable des ressources : voici les priorités qui permettront aux personnes de choisir librement l’endroit où elles souhaitent vivre. Une politique nouvelle, globale et sérieuse de coopération et de transformation, telle qu’elle est formulée dans l’Agenda 2030 pour le développement durable, pourrait permettre une réussite au cours de la décennie à venir. Cela permettrait à de nombreuses personnes d’envisager sereinement leur avenir, peut-être même dans leur pays d’origine.
Cela nécessite de nombreuses démarches complémentaires qui toucheraient de nombreux domaines d’action. A court terme, les mouvements aigus de migration et de réfugiés vont nécessiter d’importants efforts internationaux, ce qui peut néanmoins donner un nouveau souffle pour des réformes au niveau national, régional et international à moyen et long terme. Il faut envisager pour demain le droit de rester, en offrant des conditions de vie équitables pour tous, et en prévenant la destruction de l’habitat, mais aussi le droit de partir en instaurant des voies sûres pour la fuite et la migration. Chacun a le droit de fuir la persécution et la violence, tout comme chacun a un droit à la mobilité et à la libre circulation. Chacun doit pouvoir exercer son droit à la mobilité de sa propre volonté et non contre son gré. Nous devons donc développer dans nos sociétés des règles de cohabitation pour une population de plus en plus mobile avec des profils très différents.